Courir contre ces choses moches
Chaque année à cette époque, je chasse la cortisone que j'ai bouffé l'hiver, à cause des inflammations, de l'arthrose précoce, bref des trucs plutôt douloureux qui m'obligent régulièrement à retourner sous cortisone : mon ennemi num 1.
Pour l'éliminer, j'ai choisi de revenir à l'un de mes premiers grand amour : "le sport". Je courrai, nageais, faisais du vélo, ai fais différents sports, et je sais que tout ça est derrière moi. Comme tous les amours, il faut faire un deuil, et comme sans doute tous MES amours, je préfère garder des gentils fantômes, des fantômes qui n'ont de place que dans mon monde le plus personnel. Ne les cherchez pas, ils n'existent pas ;) !
Alors je cours encore, quand je sens que mes jambes me laissent un long temps de répit, je nage aussi, ne serait ce que pour éliminer les courbatures des débuts de reprises. Je le fais avant tout pour moi, et parfois, je cours pour l'absolu, pour un moment collectif, pour apporter ma cotisation à une asso qui me concerne, qui concerne apparemment tous les gens comme moi : atteint d'une salopperie.
J'ai de la chance, ma saloperie n'avance pas, et ma saloperie ne se "voit pas". J'ai de la chance oui, j'en ai bien conscience, maintenant du moins. Aujourd'hui, j'ai couru, 6 km. J'aime vraiment sentir mon tee-shirt trempé, ses muscles tirés par l'effort, cette coupure du monde, une retrouvaille avec un monde où même s'il n'existe plus de grandes performances pour moi, c'est cependant un monde de dépassement quand même.
Aujourd'hui j'ai rencontré C. Elle a une autre merde, rien à voir avec la mienne. Elle a tenu à courir aussi. Et dieu sait que pour elle, les choses étaient plus difficiles. C. est anorexique, et est sortie de l'hôpital il y a plusieurs mois. J'ai vu que malgré ses 10 ans de moins que moi, elle peinait, et donnait tout ce qu'elle avait dans ses jambes. Je crois que nous étions peu, dits "malades", à faire la course. Les gens sont surtout venus pour participer à quelque chose, que ce soit ça ou autre chose, cela leur importait. C. était dernière. Je sais d'elle qu'elle a commencé sa descente aux enfers en cherchant une façon d'être plus performante : C. faisait de l'athlétisme, avant. Là, C. était dernière dans le cross. Nous avions papoté une ou deux fois, je connais un peu mieux son copain, qui n'a pas baissé les bras devant sa maladie. Je l'ai attendue, et quand je fus à sa hauteur, nous avons couru ensemble. Quand je me suis retournée, juste avant qu'elle soit à ma hauteur, elle avait les yeux rouges, je crois qu'elle n'était pas loin d'abandonner. Très dur de voir qu'on passe de la place "performance", à celle des derniers, des nulles, des zéros. Ce n'est plus une question de regard des autres, mais bien de soi sur soi.
Je n'aime pas ce mot, la "compassion". Alors je ne parlerai pas de ça. Juste, je crois que j'ai rarement senti ça, ce truc qui dit "je sais", ce coup de poing qui fait que même si ce parcours là, le sien, celui du mépris de soi-même, je l'ai fait, cette pression dans les trips qui rappelle la blessure : sa douleur, j'aurai pu la toucher du doigt.
Nous avons fini la course ensemble, dernières. C. est tombée à terre, s'est assise, et je me suis assise en face d'elle. Son copain est venu la rejoindre, elle a lâché ses larmes, et vraiment, je souriais pour ne pas trop me laisser atteindre par cette scène. Un médecin était là, et apparemment, sa course s'est bien passée, juste fatiguée, tant par l'émotion que d'un point de vue physique. Mais au milieu de ses larmes, à la fin de la course, il y avait un sourire, un immense sourire, je crois qu'il s'agissait plus de larmes de joie que ceux d'une tristesse.
Ce matin fait partie des moments rares que rien ne prépare à vivre : ils arrivent, sans frapper à la porte, sans rien demander. Ils nous appartiennent, et ces émotions là ne peuvent pas se partager. Ils sont personnels, si personnels et possèdent pourtant un sens "universel". C. est arrivée dernière, mais C. je sais qu'elle était la première ce matin. Je serai peut - être une des quelques personnes présentes ce matin à le savoir, et pourtant, on voudrait que ces moments soient lancés à la planète entière.
Nous avons papoté, d' « Hip O Campe » notamment, et elle m'a parlé "d'un clip" sur son blog.
J'ai topé l'adresse, le voici. Ca ne changera rien à rien, mais après tout, ce blog, c'est bien pour lâcher des trucs sans fil conducteur.
M.
Pour l'éliminer, j'ai choisi de revenir à l'un de mes premiers grand amour : "le sport". Je courrai, nageais, faisais du vélo, ai fais différents sports, et je sais que tout ça est derrière moi. Comme tous les amours, il faut faire un deuil, et comme sans doute tous MES amours, je préfère garder des gentils fantômes, des fantômes qui n'ont de place que dans mon monde le plus personnel. Ne les cherchez pas, ils n'existent pas ;) !
Alors je cours encore, quand je sens que mes jambes me laissent un long temps de répit, je nage aussi, ne serait ce que pour éliminer les courbatures des débuts de reprises. Je le fais avant tout pour moi, et parfois, je cours pour l'absolu, pour un moment collectif, pour apporter ma cotisation à une asso qui me concerne, qui concerne apparemment tous les gens comme moi : atteint d'une salopperie.
J'ai de la chance, ma saloperie n'avance pas, et ma saloperie ne se "voit pas". J'ai de la chance oui, j'en ai bien conscience, maintenant du moins. Aujourd'hui, j'ai couru, 6 km. J'aime vraiment sentir mon tee-shirt trempé, ses muscles tirés par l'effort, cette coupure du monde, une retrouvaille avec un monde où même s'il n'existe plus de grandes performances pour moi, c'est cependant un monde de dépassement quand même.
Aujourd'hui j'ai rencontré C. Elle a une autre merde, rien à voir avec la mienne. Elle a tenu à courir aussi. Et dieu sait que pour elle, les choses étaient plus difficiles. C. est anorexique, et est sortie de l'hôpital il y a plusieurs mois. J'ai vu que malgré ses 10 ans de moins que moi, elle peinait, et donnait tout ce qu'elle avait dans ses jambes. Je crois que nous étions peu, dits "malades", à faire la course. Les gens sont surtout venus pour participer à quelque chose, que ce soit ça ou autre chose, cela leur importait. C. était dernière. Je sais d'elle qu'elle a commencé sa descente aux enfers en cherchant une façon d'être plus performante : C. faisait de l'athlétisme, avant. Là, C. était dernière dans le cross. Nous avions papoté une ou deux fois, je connais un peu mieux son copain, qui n'a pas baissé les bras devant sa maladie. Je l'ai attendue, et quand je fus à sa hauteur, nous avons couru ensemble. Quand je me suis retournée, juste avant qu'elle soit à ma hauteur, elle avait les yeux rouges, je crois qu'elle n'était pas loin d'abandonner. Très dur de voir qu'on passe de la place "performance", à celle des derniers, des nulles, des zéros. Ce n'est plus une question de regard des autres, mais bien de soi sur soi.
Je n'aime pas ce mot, la "compassion". Alors je ne parlerai pas de ça. Juste, je crois que j'ai rarement senti ça, ce truc qui dit "je sais", ce coup de poing qui fait que même si ce parcours là, le sien, celui du mépris de soi-même, je l'ai fait, cette pression dans les trips qui rappelle la blessure : sa douleur, j'aurai pu la toucher du doigt.
Nous avons fini la course ensemble, dernières. C. est tombée à terre, s'est assise, et je me suis assise en face d'elle. Son copain est venu la rejoindre, elle a lâché ses larmes, et vraiment, je souriais pour ne pas trop me laisser atteindre par cette scène. Un médecin était là, et apparemment, sa course s'est bien passée, juste fatiguée, tant par l'émotion que d'un point de vue physique. Mais au milieu de ses larmes, à la fin de la course, il y avait un sourire, un immense sourire, je crois qu'il s'agissait plus de larmes de joie que ceux d'une tristesse.
Ce matin fait partie des moments rares que rien ne prépare à vivre : ils arrivent, sans frapper à la porte, sans rien demander. Ils nous appartiennent, et ces émotions là ne peuvent pas se partager. Ils sont personnels, si personnels et possèdent pourtant un sens "universel". C. est arrivée dernière, mais C. je sais qu'elle était la première ce matin. Je serai peut - être une des quelques personnes présentes ce matin à le savoir, et pourtant, on voudrait que ces moments soient lancés à la planète entière.
Nous avons papoté, d' « Hip O Campe » notamment, et elle m'a parlé "d'un clip" sur son blog.
J'ai topé l'adresse, le voici. Ca ne changera rien à rien, mais après tout, ce blog, c'est bien pour lâcher des trucs sans fil conducteur.
M.