Soirées clôture Gay Pride 2007, from Belgium

Publié le par whybec


On pourrait appeler ça « un samedi soir sur la terre ». Un samedi soir oui, mais à Bruxelles, le jour de la Gay Pride. Ces samedis soirs ne sont pas forcément « un samedi soir sur la terre », comme le chante notre « Belle des champs » a moustaches : Francis ! On était bien loin des coquelicots, et des parties de jambes en l'air dans les rouleaux de paille.

Après 8 heures de route, j'avais qu'une envie, soit m'écrouler et dormir, soit m'enfiler deux bières et sortir. Pas de bière à mon arrivée, tant pis, on sort quand même. Deux soirées en perspective : la première, et la seconde !

D'abord la première :

Entrée au budget raisonnable, mais sans boisson ... Dommage ! Le lieu est presque vide à notre arrivée ... encore dommage ! Il fut en effet difficile de ne pas la louper, la petite gouine qui donne « tout pour la branchouille », à l'affût de tout ce qui peut la sortir du lot, et surtout de tout ce qui se met en haut de l'affiche. Oui, mais l'affiche ne fait le contenu, loin de là. Donc la salle se remplit, un bonjour très hypocrite à notre branchouille, hypocrisie tout aussi réciproque. A chaque fois que mes yeux sont tombés sur elle, elle s'empressait d'arrêter quelqu'un sur son passage, à la recherche du quelqu'un qui pourrait meubler une sorte d'évidence : « she's alone in the dark », ou presque. Ici les gens se connaissent, la soirée ressemble fort à « toute la promo est là ». On aurait presque faits tachons dans le décors, si la salle ne s'était pas remplie. Le concert démarre. Une impression désagréable de « vraies fausses stars », qui mettent 3 heures à accorder leurs 2 guitares, et à se renseigner sur le « où est le bouton qui fera marcher le micro ». Bref, la chaleur commençait à monter. Le monsieur d'à côté enlève son pull, je frise la défaillance à cause de l'odeur de sueur rance. A jeun, les bières ont commencé à me monter à la tête, gentiment mais sûrement. D'ailleurs non, ce ne fut pas gentiment en fait. L'impression d'étouffer, besoin de prendre l'air, de voir de la distance entre moi et mon voisin ou voisine. Clostro on dirait ... Au bar, une « belle blonde », on ne peut plus pouf, me fait des sourires à chaque fois que je tourne la tête. Le genre de truc que je ne comprends pas du tout, mais alors pas du tout. Il m'est impossible d'imaginer que je puisse être son genre. Pourtant, toujours en soirée à Bruxelles, je me souviens d'une blonde italienne du même genre, qui m'avait fait un rentre dedans plus que direct. Je ne sais plus trop ce que je dois croire de mes perceptions finalement, tellement cela me parait impossible. Je tente une sortie vers le dehors, je dis que je reviens, mais la foule à l'entrée m'en dissuade, je fais demi tour. Le concert est bien lancé, de l'électro branchouille impro dernière tendance. On se regarde, on se marre, tellement sans doute on « ne se sent pas à notre place ». C'est vraiment très nul en fait, tout simplement. Mais comme d'habitude, j'ai fini mes bières avant, donc j'attends. Et puis un flash, entre émotionnel et physique. Cette ambiance, ces regards partout, tout ça me ramène à mes folles nuits parisiennes, mes nuits occasionnelles, ambiance très branchées, où sous prétexte de me défoncer la tête je m'autorisais ce que je refoulais : les nanas ! Ces danses où on se colle, on se touche, et où les substances peuvent parfois finir de désinhiber. Un mot me vient en tête : extasie. Oui, avec ça, la soirée peut être bonne, un lendemain difficile, et se dire deux jours après que c'était une chouette soirée. Cette « idée souvenir » ne me réjouit pas, comme une flaque de boue qui vient de m'éclabousser. Je décide d'aller aux toilettes, les bières frappent déjà à la sortie. A l'entrée, la dame pipi ressemble trait pour trait à Mia Frye, vulgaire, une sucette dans la bouche qui fait des grands « slurps ». Dans les toilettes, à côté, deux nanas s'envoient en l'air, pour ne pas dire, avec un jeu de mot, « s'envoient dans le trou », tellement l'ambiance est rance. Je sors des toilettes, deux autres rentrent, « la main dans la tite culotte ». « Glauque ». Voilà, c'est le seul mot qui me vient en tête. Une odeur de pas frais, et ça pue la pisse, tout simplement. Alors on sort, on s'en va, on se tire même ! On hésite, rentrer ou tenter l'autre soirée. Je pousse sans doute un peu, mais on se tente la soirée officielle.

Changement de décors. Ambiance gros videurs à l'entrée, lumineux, grands boulevards, un décors qui d'emblée, m'aère. Entre temps, des frittes en marchant, miam, je me reconstruis l'estomac ! Je respire. Le prix de l'entrée fait mal, et toujours pas de conso offerte. Décidément, cette soirée fait très parisienne ! Je laisse enfin de côté ces petits relents de souvenirs traîtres qui, heureusement, ne me poignardent que rarement. Le genre de truc qu'on oublie, et qui en une odeur ou une couleur, cogne au crâne presque jusqu'à la nausée, et qui dit « ah ouai c'est vrai que ... ». Mais voilà, si nous ne risquons pas de croiser madame branchouille des égouts, le risque est de croiser une autre faune. Nous n'en avons pas plus envie, voire même bien moins envie. Juste l'envie de s'amuser.

Et puis il y a des milliers de gens, 4 salles différentes, un bar dans chaque salle, donc bon, ça devrait le faire. Au fur et à mesure que nous avançons pour découvrir les lieux, un sourire se dessine au milieu de mon visage, je le sens ce grand « ahhhhhh » . D'une part, je respire, on peut circuler, le choix des musiques, et dans deux, voire trois salles, j'y trouve mon compte. Des filles, des gouines, des lesbiennes, des on sait pas, des pd, des hétéros, ça fait plaisir de voir toute cette variété de gens, de style, vraiment. J'ouvre grand les yeux, l'histoire de « voir » : ne pas tomber sur les celle(s) qu'on souhaiterait éviter. J'ai le sentiment de passer en tête, en ouverture, en reconnaissance, sans doute parce que je suis celle qui a le moins « pas envie » de pas en croiser. En fait, ce n'est pas que « pour moi » que je n'ai pas envie de croiser cette micro faune, mais bien parce que pour passer une chouette soirée, autant que tout le monde soit zen, et ne se complique pas les neurones à cause d'éventuelles regards ou discussions peut – être, sans doute même, inévitables. J'ai complètement « tout » laissé derrière moi. Plus j'avance, plus je me sens zen, et plus je suis rassurée, et plus je me dis qu'on va passer une chouette soirée sans croiser personne. D'ailleurs plus j'avance, plus j'ouvre mes yeux sur quelques nanas, que je trouve vraiment . Je me sens dans un état « fort sympa », une impression exacerbée sans doute par opposition à la lourdeur de la soirée précédente. Je rentre dans un couloir, pour accéder à une salle. Là je croise deux yeux, ceux d'une autre qui devait avoir les yeux tout aussi ouverts que les miens (ça me fait marrer quand j'y pense). Et la seconde d'après, une main sur ma joue qui glisse vers ma bouche. Je fais un geste en arrière, et retrouve ce regard, en face de moi, qui me sourit. Ma réaction est vive : recul brusque. Je la dévisage, suis comme sonnée un quart de seconde, et j'essaie de voir pourquoi ce visage me semble familier. Devant ma réaction, elle fait un sourire qui se moque de moi, du genre « mais flippe pas, je te viole pas ». Je réalise simplement que ce visage, que cette nana, contrairement à celle du bar de la soirée précédente, est comment dire ... tout à fait mon genre et est tout à fait attirante ! A un quart de seconde de conne de réaction prêt, c'est-à-dire la mienne, elle m'embrassait à pleine bouche ! Je crois que si je n'avais pas été cet animal toujours sur une défensive sensitive, parce que sans doute très sensitive justement, je me serai volontiers laissée faire, j'aurai même pleinement participé. Mais voilà, on s'est croisé dans un couloir, du monde devant, du monde derrière, et nous sommes déjà dans deux salles différentes respectives. Mais c'était étrange, et en fait, le mouvement de sa main, tellement ... wouawoua, que bon, rien à dire, je ne suis pas en bois ! Cette petite entrevue renforce cet état de flottement. Je savoure pleinement le bon goût de la liberté, celle de ne penser à personne, de ne devoir rien à personne non plus, et de pouvoir laisser le flot de ce qu'il se présente se dérouler devant moi. Oui mais bon, quand même, je suis accompagnée ! Et puis après tout, cela fait déjà un moment que j'ai vendu mon âme au diable, mon âme et mon cœur d'ailleurs, alors qu'importe, autant profiter du prix qu'il m'en a offert ! Il y a des petites choses comme ça, qui en allument d'autres, et mettent sur le feu des tonnes de ces autres petites choses. On est en haut, je regarde la foule qui danse, en bas, presque l'impression du gigantisme des raves party que j'ai pu connaître dans des lieux désaffectés, des usines de banlieues parisiennes. Un autre flash, une scène de film. C'était « The hole », un thriller américain. Il y a eu juste une scène, entre un mec et une nana, ils s'embrassent, c'est chaud chaud. Vous savez le genre de truc qui fait qu'au premier contact, pire, au contact des lèvres, on sait que les corps vont s'entendre, que tout sera fluide, évident et très très « hardent ». Ils sont debout, et vraiment, vraiment, ça sentait « vrai », ou bien, juste cette scène, qui a duré que très très peu de temps, a fait un écho détonnant chez moi. Voilà le moment où se réveillent ce qui roupille dans un profond coma : voilà, ce dont j'ai envie là, ce soir, c'est de sensualité. Chose extraordinaire, c'est que cela passe par le baiser ... Alors là ! Je n'aime pas embrasser. Plutôt, je n'aime plus. Je n'ai pas vraiment compris pourquoi je me suis mise à ne plus aimer. Alors je n'embrasse plus, tout simplement. Mais là, c'est de cela dont j'avais envie, un baiser pleine bouche, le truc brûlant, le truc qui fait désobéissance, le truc qui fait qu'on est plus là où l'on est, qu'on est nulle part ailleurs que en direct avec ce désir de dingue, plus fort que toutes les raisons du monde. Comment ai-je pu oublier cela ! Je crois même que je ne saurai plus embrasser ! Il a fallut que je croise cette nana, qu'elle m'aspire la langue avec ses yeux pour que ça fasse « explosion » dans mon crâne. Bon, rien ne parait, j'ai le contrôle, mais je crois que si ces fameux « instants présents » se présentent, je n'y résisterai pas trop. Fini de regarder les autres, envie de descendre dans la fosse, de manger les lions, et d'être mangée par les lions. Je propose qu'on descende. On s'engage dans un autre hall qu'il faut traverser pour prendre les escaliers. Et là, une silhouette vient d'arriver sur la plate forme, juste à mon niveau, en haut de ses mêmes escaliers que je veux descendre. Machinalement mon corps marque un mouvement d'évitement, mais cette silhouette fait un léger pas, comme pour « me barrer le passage ». Je regarde bien cette tête, et là, mon cœur s'arrête. Ceci n'avait rien d'exceptionnel en fait, et peut – être même était-il prévisible de croiser quelques têtes pas forcément désirées. Mais vraiment, je me sentais si « légère » que je pensais que rien ne pouvait plomber cette soirée. Un bonjour rapide, puis la silhouette va vers ma compère : même scénario. Nous avons été tellement surprises que abasourdies. Tellement abasourdies que plombées. Personne n'a su quoi dire, quoi faire, pas même cette silhouette qui avait du nous voir d'en bas et aller à notre rencontre volontairement. Notre réaction a du aussi la déstabiliser. Comme dans un film, la musique se met a jouer très faux, s'accélère et s'arrête. Tout est fichu, merde. On file vite fait, l'impression de fuir vite l'orage qui s'annonce sous une pluie soudaine.

Re flash, c'est exactement ça. Je me revois sous la pluie, la nuit, dans les rues de Bruxelles. Je crois que nous revenions de Grand Place. On courait jusqu'à l'hôtel. C'était des instants "forts", ce genre d'instants où on se dit "adieu" plus que tendrement, érotiquement. J'ai profité de son corps ces nuits là, comme pour enfermer son odeur dans une boîte que j'aurai pu emmener, enfin un truc qui aurait été pour moi, que pour ma gueule, et pas compris dans ces séries de parenthèses sous condition. Ces parenthèses qui ont fait mes histoires d'amour depuis ma première. Ces instants là, il faut laisser là, il faut les emmener nulle part, où vous allez droit en enfer. J'ai les jambes coupées, et ma saleté de guibole malade qui ne peut pas suivre le rythme imposé, un rythme en fait, "normal". Devant, il y a cette nana qui court, et je ne peux pas la suivre, et je ne parviendrai jamais à la suivre d'ailleurs. Elle m'avait déjà larguée ce soir là, au sens propre, et continuait devant moi, au sens figuré. Je me souviens avoir une idée folle, je me suis arrêtée et j'ai hésité : faire demi tour, la laisser courir devant moi, et disparaitre je ne sais où, quitter Bruxelles, m'évaporer de cette planète, se tirer à l'opposé de tout ce qui allait m'attendre.

Retour à l'Ancienne Belgique. On a filé sans parler, on a filé vite, dévalé les escaliers, croisé une autre qui devait aller retrouver celle restée sur la plateau. Tout le monde fait semblant de ne pas se voir, c'est bien mieux ainsi. Je crois que si nous avions pu courir, on l'aurait fait. Pourquoi ? Je ne sais pas en fait. Juste parce que cette micro faune a encore le relent de toutes ces indiscrétions, intrusions, indiscrétions, médisances, commérages, bref, une nourriture nauséabonde qui a fini par me faire vomir. Mais au final, ça ne changera rien à nos vies, alors tout est relatif. On se retrouve dans un des bars de la soirée, plombées, à vaguement se motiver en bougeottant sur la musique. On n'y croit pas, nous n'y sommes plus, sans doute de façon différente, mais au final, il y a une trame commune : déçues peut-être de ne pas pouvoir être vierges de passé, juste l'espace d'une soirée. Je ne sais pas laquelle d'entre nous étaient la plus deg, mais nous étions deg. Je crois que chacune avait sa tête en mémoire, son air abattu, le genre de truc à vous faire culpabiliser. Mais de quoi ? Même ça, on ne sait pas vraiment, sans doute de ne pas avoir manifester une attitude positive à cette « rencontre ». Et après, quelle attitude « positive » aurions nous du avoir ? Une impression personnelle étrange aussi, qui me rappelle que je suis passée dans le camp de celles qui ne s'embarrassent plus, et qui n'ont pas de scrupule à baffer les joues tendues. Une impression d'être dans « l'autre camp ». Une culpabilité aussi, mais pas une culpabilité gagnante, parce que ça ne change plus rien. J'ai décidé d'une direction, et je crois que rien ni personne ne m'en fera changer, pas même la culpabilité. Le regret peut – être, peut – être oui, le regret pourrait faire que je soie moins « tout ça ». Mais des regrets, je n'en ai plus.

Quoiqu'il en soit, même si je ne suis plus « une gentille », voilà le genre de plan qui m'ébranle suffisamment pour éteindre des chouettes envies. Saloperie va ! Du coup, on est rentré, et puis voilà, et puis basta !

Publié dans De l'ouverture

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