L'avis d'un nutritionniste

Publié le par whybec



« Une des grandes difficultés que rencontrent les nutritionniste et autres thérapeutes, c'est de rééquilibrer d'un côté toute la chaîne digestive d'un individu, ses systèmes immunitaires, en sachant que ce même individu se nourrit d'aliments issus de productions intensives, que ce soit des viandes poussées, gavées d'antibiotiques, de vaccins, ou des légumes hors sol, tout aussi poussés ... Ce serait un contre-sens, ou une « contre éthique » plus exactement, car l'élevage intensif contribue à la croissance du nombre de nos patients, au même titre le tabac ou l'alcool ou les traitements médicamenteux !

Maintenant, il est toujours plus facile de dire « buvez moins d'alcool et arrêtez de fumer » que « consommez mieux », quand on sait que les gens ont tout simplement peu d'argent. Le système de production intensive répond à l'une des deux grandes catégories de consommateurs : les riches, et les pauvres !

De la même façon qu'il est paradoxal de dire « consommez 5 fruits et légumes par jour », quand on permet la culture hors sol de certains, en compensant les carences de ces produits par des procédés de rééquilibrage que l'organisme, lui, ne fixe pas ! C'est un marché de dupe ou le corps médical s'affronte avec le lobby agroalimentaire et parfois même le lobby pharmaceutique. Ce qui est alarmant, c'est que ces 2 lobbies sont dans des dynamiques de partenariat. Cela peut générer de graves conflits d'intérêt, au détriment de la santé publique. Dans une certaine mesure, nous sommes déjà dans cette dynamique. Les représentants de la santé servent de gardes fous et obligent des campagnes d'information publiques, sans pour autant être autorisés à pointer du doigt la « sale bouffe ». On sait pourtant malheureusement que, au même titre que l'alcool ou la cigarette, les facteurs polluants issus de l'intensif présents dans tout l'écosystème, comme dans ce que nous ingérons par l'alimentation, sont responsable de façon directe, ou participent par la dégradation des systèmes immunitaires, du système digestif, à bien des troubles de la santé.

C'est un réel problème pour les nutritionnistes de communiquer ce type d'information. Si nous sommes globalement tous en accord avec ces principes, nous ne communiquons pas de la même façon nos conseils. Ils se limitent souvent à « mangez moins de viande, de graisse, de produits laitiers ». Quand vous avez en face de vous une mère qui élève 3 enfants ... Notre discours s'adapte souvent, selon les catégories sociales des personnes. Là encore, les populations ne sont pas les mêmes selon si les consultations se font en milieu hospitalier, ou en cabinet. D'ailleurs, comment être cohérent quand dans les hôpitaux, pour des raisons de budget, les aliments proposés sont souvent de qualités nutritionnelles médiocres ? C'est tout un système de « production / consommation » qui est à revoir.

Depuis plus de trente ans, le système de production alimentaire ne sert plus sa raison originelle : nourrir et maintenir des populations en bonne santé. Les réflexions actuelles vont dans le sens du « comment soigner à l'échelle humaine et environnementale, les répercutions négatives d'un tel système, sans le compromettre ? ». Ce sont deux forces opposées qui s'affrontent, ouvrant la porte à d'autres profits, comme celui de l'industrie pharmaceutique. On ne sort pas de l'aberration de l'intensif, on « progresse » dedans.

La deuxième raison pour laquelle j'évite personnellement de manger des produits issus de l'intensif, quand je peux, c'est pour ne pas participer à l'exploitation de toute une population, que ce soit par les salaires du bas de l'échelle productive, tel que les ouvriers de l'agroalimentaire, mais aussi pour ne pas participer à ce système qui trouve sa légitimité en se reposant sur une masse consommatrice de plus en plus pauvre. Dans ce système de production, ce sont les plus pauvres, en nombre croissant, qui nourrissent les plus riches. Ceux qui mettent en place des éthiques de travail s'adressent à des consommateurs avec un niveau social plus élevé, mais bien moins nombreux. La logique de la loi du marché fait que plus les gens consommeront une alimentation « saine », plus politiques obligeront les producteurs à répondre à ce qui pourrait être une demande, à défaut d'une obligation.

La troisième raison, qui est en fait issue des deux premières, c'est de ne pas ignorer le manque de respect des conditions de vie « naturelles » des animaux. En fait, il s'agit de se positionner contre un seul et même principe global de production, avec cependant trois responsabilités morales différentes. »


H.R

Ancien nutritionniste de l'hôpital LARIBOISIERE à Paris

(présent sur « aufeminin.com »)


Publié dans De l'engagement

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